Chanceux, une annonce postée sur internet nous permet de décrocher un job. Après plusieurs entretiens sur skype avec notre nouvel employeur, Tim, nous nous donnons rendez-vous avant le départ.
Très sympathique mais néanmoins sérieux, Tim est un professionnel du milieu agroforestier. Un de ses collègues, Dan, directeur d’un bureau d’études, a un contrat avec une agence qui travaille dans la séquestration du carbone. Cette entreprise gère des plantations d’eucalyptus, qui ont été plantées dans la Wheat Belt (la ceinture de blé, au Sud-ouest du Western Australia). Ces arbres, répartis sur différentes parcelles, parfois éloignées de plusieurs centaines de kilomètres, sont de jeunes « Eucalyptus Kochii », ayant au maximum 5 ans.
Tout au long de leur croissance, pour accumuler la matière qui les constitue, les végétaux fixent du carbone atmosphérique. Ce carbone, présent dans l’air que l’on respire, est sous forme de gaz : le dioxyde de carbone (CO2).
Ce gaz est actuellement mis en cause lorsque l’on parle de changement climatique, à travers son rôle dans le réchauffement planétaire. Les activités humaines et notamment les industries produisent des quantités importantes de CO2. Pour compenser ces émissions de gaz à effet de serre, l’Etat australien impose une taxe aux industries, qui doivent payer pour cette pollution atmosphérique un montant de l’ordre de 27AU$ par tonne de gaz émis.
C’est ici qu’interviennent les plantations d’Eucalyptus.
Les industries qui financent ces cultures peuvent alors compenser leurs émissions grâce à la fixation du CO2 effectuée par ces arbres durant leur développement.
Dan a été chargé de mener une étude par les propriétaires des plantations d’eucalyptus. Il doit trouver un moyen d’estimer précisément la quantité de carbone qui a été fixée. En effet, il n’est pas évident de dire qu’un arbre a absorbé une quantité fixe de carbone au bout d’un temps donné. Lorsque l’on travaille avec des êtres vivants, énormément de variables peuvent changer, et d’un arbre à l’autre, la quantité fixée ne sera pas la même.
La mission de Dan est donc de fournir le moyen le plus intéressant pour définir cette quantité, c’est-à-dire à la fois précis, rapide, économique, répétable …
Les recherches menées l’ont conduit à se baser sur la mesure des arbres, et plus particulièrement leur tronc. Dan est en train de mettre au point une relation mathématique, qui lie le diamètre du tronc à la quantité de carbone fixée par les eucalyptus.
Ainsi, il sera possible d’effectuer « rapidement » l’évaluation d’une parcelle, pour savoir qu’elle quantité a été séquestrée, juste en effectuant la mesure sur chaque arbre.
Il faut préciser que plus de 6 millions d’arbres ont été plantés !
Voilà maintenant où nous entrons en scène. Tim assiste Dan durant cette évaluation. Il lui a trouvé deux travailleurs pour réaliser les mesures du diamètre. Bien heureusement pour nous ce ne sont pas les 6 millions d’arbres que nous allons devoir passer en revue !
Pour faire court, Dan a positionné environ 300 petites surfaces échantillons choisies aléatoirement à travers les parcelles d’eucalyptus. Chacune de ces petites surfaces fait 20m de côté, et est positionnée par GPS.
Notre objectif est donc d’atteindre chacun de ces points, et de réaliser la mesure des arbres compris dans cette surface réduite.
Nous commençons par quitter Perth pour atteindre notre premier logement, à Coorow, à plus de 5 heures de route. Cette petite ville est presque uniquement entourée de champs de blé, qui vont bientôt être semés. Nous logons dans les « baracks », des préfabriqués complètements aménagés qui accueillent les travailleurs occasionnels. Au premier abord on pourrait penser que le confort y est rudimentaire, pourtant nous y étions relativement bien installés. Une chambre chacun, la climatisation, de l’eau chaude, des machines à laver, une cuisine équipée et le plus important un lit confortable !
Départ le lendemain matin à 7h pour enchainer les mesures. Nous formons deux équipes, Corenthin part avec Tim, Thomas pars avec Dan. Nous emportons avec nous des piquets, des rubans pour mesurer les arbres, un GPS, des cartes des parcelles et de quoi noter nos données. Sans bien sûr oublier l’essentiel, notre repas, à boire et de la crème solaire !
C’est parti pour des longues journées, jusqu’au coucher du soleil, à répéter la même procédure pour chacun des échantillons. On pourrait croire cela ennuyeux mais nous avons pu faire des rencontres au milieu des jeunes arbres à perte de vue : des kangourous, des troupeaux d’émeus, et surtout des nuages de mouches relativement amicales, qui vous rentrent dans les oreilles et les narines …
Une fois notre première semaine terminée, nous avons la chance de pouvoir réaliser la suivante en étant en équipe, Corenthin et moi. Tim a trouvé des travailleurs supplémentaires pour l’assister.
Nous nous retrouvons donc aux commandes de notre 4×4, pour réaliser l’évaluation des eucalyptus en autonomie. Tout s’est parfaitement déroulé, si ce n’est qu’un soir nous avons perdu la trace de Tim, roulant parfois un peu vite. Nous étions alors au milieu des champs de blé, seul avec notre 4×4 cherchant une trace de notre patron sur les pistes en sable… L’inquiétude n’a été que de courte durée, nous avons pu le retrouver en rebroussant chemin vers notre point de départ.
Encore une belle expérience, mais surement pas la dernière, nous allons maintenant continuer l’aventure vers notre prochain job pour Tim, la plantation de bois de Santal.